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les mille nuits et une nuit

bienfaisantes. Le monde fut vivifié de leur souffle, et l’empire porté au plus haut sommet de la splendeur. Et ils étaient le refuge des affligés et la ressource des malheureux. Et c’est d’eux que le poète Abou-Nôwas, entre mille, a dit :

Depuis que le monde vous a perdus, ô fils de Barmak, les routes, au crépuscule du matin et au crépuscule du soir, ne sont plus couvertes de voyageurs.

Ils étaient, en effet, des vizirs sages, des administrateurs admirables, remplissant le trésor public, éloquents, instruits, fermes, d’un bon conseil, et généreux à l’égal de Hatim-Taï. Ils étaient des sources de félicité, des vents bienfaisants qui amènent les nuages fécondateurs. Et c’est surtout grâce à leur prestige que le nom et la gloire de Haroun Al-Rachid retentirent depuis les plateaux de l’Asie centrale jusqu’au fond des forêts nordiques, et depuis le Maghreb et l’Andalousie jusqu’aux frontières extrêmes de la Chine et de la Tartarie.

Et voici que soudain les fils de Barmak, de la plus haute fortune qu’il soit donné aux fils d’Adam d’atteindre, furent précipités au sein des plus affreux revers, et burent à la coupe de la Distributrice des calamités. Car, ô retour du temps ! les nobles fils de Barmak étaient non seulement les vizirs qui administraient le vaste empire des khalifats, mais ils étaient les amis chers, les compagnons inséparables de leur roi. Et Giafar, en particulier, était le cher commensal dont la présence était plus nécessaire à