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la tendre histoire du prince jasmin…
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ce lieu de malheur, avec l’intention de le faire périr. Et l’adolescent, sans se douter de ce qui l’attendait, conduisit là ses bœufs et ses brebis.

Et il entra dans cette forêt à l’heure où l’astre aux deux cornes paraissait à l’horizon, et alors que l’Éthiopien de la nuit tournait son visage vers la fuite. Et, laissant paître ses bêtes à leur gré, il s’assit sur une peau blanche qu’il avait étendue par terre, et prit sa flûte, source d’ivresse.

Et voici que soudain les deux terribles cochons-daims, guidés par l’odorat, arrivèrent à la clairière où était Jasmin, en rugissant à l’imitation du nuage chargé de tonnerre. Et le prince au doux regard les accueillit aux sons de sa flûte, et les immobilisa sous le charme de son jeu. Puis, lentement, il se leva et sortit de la forêt, accompagné par les deux effroyables animaux, l’un à sa droite et l’autre à sa gauche, et suivi par tout le troupeau. Et il arriva de la sorte sous les fenêtres du roi Akbar. Et tout le monde le vit et fut dans la stupéfaction.

Et le prince Jasmin fit entrer dans une cage de fer les deux cochons-daims et les offrit au père d’Amande, en hommage dû. Et le roi fut, de cet exploit, à la limite de la perplexité, et retira sa main de la condamnation de ce lion des héros.

Mais les frères de l’enamourée Amande ne voulurent point abdiquer leur ressentiment, et, pour empêcher leur sœur de s’unir au jeune homme, ils imaginèrent de la marier contre son gré à leur cousin, fils de l’oncle calamiteux. Car ils se disaient : « Il faut lier le pied de cette folle avec la corde solide du mariage. Et alors elle oubliera son amour insensé. »