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histoire du gâteau échevelé…
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journée, d’acheter non seulement la kenafa en question mais une simple galette de pain.

Lorsque le pâtissier eut entendu ces paroles de Mârouf, il eut un rire de bonté, et dit : « Ô maître Mârouf, peux-tu au moins me dire combien d’onces de kenafa la fille de ton oncle désire que tu lui apportes ? » Il répondit : « Cinq onces lui suffiront peut-être. » Il reprit : « Il n’y a pas d’inconvénient. Moi je vais t’avancer cinq onces de kenafa, et tu m’en donneras le prix quand la générosité du Rétributeur descendra de ton côté. » Et il coupa dans le grand plateau, où la kenafa nageait au milieu du beurre et du miel, un volumineux morceau qui pesait bien plus de cinq onces, et le remit à Mârouf, en lui disant : « Cette kenafa échevelée est un gâteau digne d’être servi sur les plateaux d’un roi. Je dois te dire toutefois qu’elle n’est pas sucrée au miel d’abeilles mais au miel de canne à sucre ; car elle est bien plus savoureuse de cette manière. » Et Mârouf qui ne connaissait pas, le pauvre, la différence entre le miel d’abeilles et celui de canne à sucre, répondit : « Elle est agréée de la main de ta générosité. » Et il voulut baiser la main du pâtissier, qui s’en défendit vivement, et qui lui dit, en outre : « Cette pâtisserie est destinée à la fille de ton oncle, mais toi, ô Mârouf, tu ne vas ainsi rien avoir à souper. Tiens, prends ce pain et ce fromage, bienfait d’Allah, et ne me remercie point, car je ne suis que l’intermédiaire. » Et il remit à Mârouf, en même temps que la sublime pâtisserie, une galette fraîche de pain soufflé et odorant et un disque de fromage blanc enveloppé dans des feuilles de figuier. Et