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les mille nuits et une nuit

Et il alla ouvrir sa boutique, dans le souk des savetiers, et, levant ses mains au ciel, il dit : « Je te supplie, Seigneur, de me faire gagner le prix d’une once de cette kenafa, et de me sauvegarder, la nuit prochaine, de la méchanceté de cette femme mauvaise ! »

Mais il eut beau attendre dans sa misérable boutique, personne ne vint lui apporter de l’ouvrage ; de sorte qu’à la fin de la journée il n’avait même pas gagné de quoi acheter le pain pour le souper. Alors, le cœur serré, et plein d’épouvante de ce qui l’attendait de la part de sa femme, il ferma sa boutique et reprit tristement le chemin de sa maison.

Or, en traversant les souks, il passa précisément devant la boutique d’un pâtissier, marchand de kenafa et autres gâteaux, qu’il connaissait et dont il avait raccommodé autrefois les savates. Et le pâtissier vit Mârouf qui marchait, plongé dans le désespoir, et le dos courbé comme sous le faix d’un lourd chagrin. Et il l’appela par son nom, et vit alors que ses yeux étaient pleins de larmes, et que son visage était pâle et pitoyable. Et il lui dit : « Ô maître Mârouf, pourquoi pleures-tu ? Et quelle est la cause de ton chagrin ? Viens ! Entre ici te reposer, et me raconter quel malheur t’a frappé. » Et Mârouf s’approcha de la belle devanture du pâtissier et, après les salams, il dit : « Il n’y a de recours qu’en Allah le Miséricordieux ! La destinée me poursuit et me refuse même le pain du souper. » Et comme le pâtissier insistait pour avoir des détails précis, Mârouf le mit au courant de la demande de sa femme, et de l’impossibilité, par manque de gain dans la