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histoire du gâteau échevelé…
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vaincu que ce silence était la preuve de la culpabilité de Mârouf, ordonna aux exécuteurs des sentences de le renverser et de lui appliquer cent coups de bâton sur la plante des pieds. Ce qui fut exécuté sur l’heure, devant la maudite qui se trémoussait de plaisir en elle-même.

Et Mârouf, au sortir du tribunal, pouvait à peine se traîner. Et, comme il préférait désormais plutôt mourir de la mort rouge que de rentrer dans sa maison et de revoir le visage de la calamiteuse, il gagna une maison en ruines, qui s’élevait sur les bords du Nil, et attendit là, au milieu des privations et du dénûment, de guérir des coups qui lui avaient gonflé les pieds et les jambes. Et lorsqu’il put enfin se lever, il s’engagea comme marinier à bord d’une dahabieh qui descendait le Nil. Et, arrivé à Damiette, il partit sur une felouque, en s’engageant comme raccommodeur de voiles, et confia sa destinée au Maître des destinées.

Or, au bout de plusieurs semaines de navigation, la felouque fut assaillie par une épouvantable tempête, et sombra, contenant et contenu, au fond de la mer. Et tout le monde fut noyé et mourut. Et Mârouf fut également noyé, mais ne mourut pas. Car Allah Très-Haut le sauvegarda et le délivra de la noyade en lui mettant sous la main une pièce de bois, débris du grand mât. Et il s’y cramponna, et réussit à se mettre dessus à califourchon, grâce aux efforts extraordinaires dont le rendirent capable le danger et la cherté de l’âme qui est précieuse. Et il se mit alors à battre l’eau avec ses pieds, comme avec des avirons, tandis que les vagues se jouaient de lui et