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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/111

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histoire du bossu… (le barbier)
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Alors je m’écriai : « Oh ! il n’y a de recours ni de pouvoir qu’en Allah le Très-Haut le Tout-Puissant ! Ô homme, va donc enfin retrouver tes amis et réjouis-toi avec eux dans l’épanouissement, et laisse-moi m’en aller retrouver mes amis qui doivent attendre mon arrivée pour justement cette heure-ci ! » Et le barbier me dit : « Ah non ! jamais je ne consentirai à te laisser aller seul ! » Je lui répondis, en faisant de grands efforts sur moi-même pour ne pas l’insulter : « Mais sache enfin que l’endroit où je vais ne peut être visité que par moi tout seul ! » Il me dit : « Alors je comprends ! je pense que tu as un rendez-vous avec une femme ! Car, sans cela, tu me prendrais avec toi. Et pourtant sache que je mérite cet honneur plus que n’importe qui au monde, et qu’en plus je te serai d’une très grande aide pour tout ce que tu voudras faire. Et puis j’ai bien peur que cette femme ne soit une perfide étrangère. Alors, malheur à toi si tu es tout seul ! Tu y laisseras certes ton âme ! Car cette ville de Baghdad ne se prête guère à ces sortes de rendez-vous, oh ! pas du tout ! Et surtout depuis que nous avons ce nouveau gouverneur qui est d’une terrible rigueur pour ces sortes de choses ; car on dit qu’il est sans zebb ni œufs, et que c’est par haine et jalousie qu’il punit si sévèrement ces sortes d’aventures ! »

À ces paroles je ne pus plus tenir en place, et je m’écriai avec violence : « Ô toi le plus maudit d’entre les perfides et les bourreaux ! vas-tu, oui ou non, mettre un terme à tous ces bavardages dont tu m’assommes ?… » Alors le barbier consentit à se taire un bon moment pendant lequel il reprit son rasoir et