Aller au contenu

Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
les mille nuits et une nuit

produisit un incident qui me devait être fatal. En effet, il y eut cette coïncidence que justement ce jour-là une des jeunes esclaves du kâdi avait mérité un châtiment. Et le kâdi, à peine entré, se mit à donner la bastonnade à cette jeune esclave, et il devait lui fouetter très fort le derrière, car elle se mit à pousser des hurlements de travers ; et alors l’un des nègres de la maison entra pour essayer d’intercéder pour elle, et le kâdi furieux lui tomba dessus à coups de verges ; et ce nègre se mit aussi à hurler. Il y eut alors un tel tumulte que toute la rue fut mise en émoi, et le barbier de malheur crut que c’était moi qui étais pris et châtié et qui poussais ces cris. Alors il se mit à pousser des cris lugubres, à déchirer ses vêtements, à se couvrir la tête de poussière, et à implorer le secours des passants qui commençaient à se rassembler autour de lui. Et il pleurait et disait : « On vient d’assassiner mon maître dans la maison du kâdi ! » Puis, tout en criant, il courut chez moi suivi de toute une foule et prévint de la chose tous les gens de ma maison et mes serviteurs, qui aussitôt s’armèrent de bâtons et accoururent vers la maison du kâdi en vociférant et en s’excitant mutuellement. Et ils arrivèrent tous, et le barbier à leur tête, qui continuait à se déchirer les habits et à crier à tue-tête, devant la porte du kâdi, là où j’étais moi-même. Lorsque le kâdi entendit tout ce tumulte devant sa maison, il regarda par la fenêtre et vit tout ce monde d’énergumènes qui frappaient contre la porte avec leurs bâtons. Alors, trouvant que la chose était par trop grave, il descendit et ouvrit la porte et s’écria : « Ô bonnes gens, qu’y a-t-il donc ? » Et mes