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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/123

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histoire du bossu… (le barbier)
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nous assaillir et nous mettre le carcan au cou. Et moi, quoique étranger à ces gens, je ne voulus point parler, ni protester, et cela à cause de mon excès de fermeté habituelle et de mon peu de loquacité.

Je fus donc conduit avec tous ceux-là entre tes mains, ô émir des Croyants. Et tu ordonnas que l’on coupât la tête à ces dix criminels, et je restai seul entre les mains du porte-glaive ; et, malgré tout, je ne dis pas un mot. Je trouve, moi, que cela est du courage et de la fermeté bien considérable. Et, d’ailleurs, rien que ce seul acte de me faire spontanément l’associé de dix inconnus, à lui seul est le plus grand acte de bravoure que je sache. Mais ne sois point étonné de mon action, ô émir des Croyants, car toute ma vie j’ai toujours agi de la sorte en obligeant des inconnus ! »

Lorsque le khalifat entendit mes paroles et apprit ainsi que j’étais plein de courage et de virilité, aimant le silence et la gravité, détestant la curiosité et l’indiscrétion quoi qu’en ait pu dire ce jeune boiteux qui était là tout à l’heure, ce jeune boiteux que j’ai sauvé de toutes sortes de calamités, il me dit : « Ô vénérable cheikh, barbier spirituel et grave ! dis-moi un peu, et tes frères les six ?… Sont-ils comme toi ? Ont-ils en eux autant de sagesse, de science et de discrétion ? » Je répondis : « Qu’Allah m’en préserve ! Combien loin de moi ils sont situés ! Ô émir des Croyants, en vérité tu viens de m’affliger d’un grand blâme en me comparant à ces six fous qui n’ont rien de commun avec moi, ni de près ni de loin. Car, à cause de leur bavardage