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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/125

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histoire du bossu… (le barbier)
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la maison, il y avait un moulin où habitait un meunier et aussi le bœuf du meunier.

Un jour donc que mon frère Bacbouk était assis à coudre dans sa boutique, soudain, en levant la tête, il aperçut au-dessus de lui, à la lucarne supérieure, une femme comme la lune à son lever, et qui s’amusait à regarder les passants. C’était l’épouse du propriétaire de la maison. À sa vue, mon frère Bacbouk sentit son cœur s’éprendre passionnément, et il lui fut impossible de coudre ou de faire autre chose que de regarder la lucarne ; et ce jour-là il resta ainsi hébété et en contemplation jusqu’au soir. Et le lendemain matin, dès le point du jour, il se remit à sa place et, tout en causant un peu, il levait la tête vers la lucarne et, à chaque point qu’il faisait avec l’aiguille, il se piquait les doigts, car chaque fois il dirigeait son regard vers la lucarne. Il resta dans cet état pendant plusieurs jours, durant lesquels il ne travailla et ne fit d’ouvrage même pas pour un drachme.

Quant à l’adolescente, elle comprit tout de suite les sentiments de Bacbouk mon frère, et résolut de les mettre à profit de toute manière et de s’en divertir beaucoup. Un jour donc que mon frère était encore plus hébété que d’habitude, elle lui jeta un regard rieur qui aussitôt transperça Bacbouk ; et Bacbouk regarda l’adolescente, mais si drôlement qu’elle rentra aussitôt pour rire tout à son aise. Et le sot Bacbouk fut au comble de la joie, ce jour-là, en pensant combien on l’avait regardé avantageusement.

Aussi, le lendemain, Bacbouk ne fut point considérablement étonné en voyant venir dans sa boutique,