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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/14

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se mit à lui asséner des coups sur la poitrine. Mais comme l’homme ne bougeait pas, l’intendant vit qu’il était mort. Alors il fut dans la désolation et dit : « Il n’y a de force et de pouvoir qu’en Allah le Très-Haut, le Tout-Puissant ! » Puis il fut très effrayé et dit : « Maudits soient le beurre, les graisses, la viande et cette nuit-ci ! Faut-il que je sois assez malchanceux pour avoir de la sorte tué cet homme qui me reste ainsi entre les mains ! » Puis il le regarda plus attentivement et vit que c’était un bossu. Et il dit : « Il ne te suffisait donc plus d’être bossu ? Tu voulais encore être voleur, et voler la viande et les graisses de mes provisions ! Ô Dieu protecteur, protège-moi sous le voile de ta puissance ! » Sur ce, comme la nuit marchait vers sa fin, l’intendant chargea le bossu sur ses épaules, descendit de sa maison et se mit à marcher jusqu’à ce qu’il fût arrivé au commencement du souk. Il s’arrêta alors, plaça le bossu debout, à l’angle d’une boutique, au détour d’une rue, le laissa là et s’en alla.

Il n’y avait pas longtemps que le bossu était là que vint à passer un chrétien. C’était le courtier du sultan. Il était, ce soir, ivre, et allait, en cet état, prendre un bain au hammam. Son ivresse l’incitait à de curieuses choses et lui disait : « Va ! tu approches du Messie lui-même ! » Il allait donc ainsi en zigzaguant et en titubant, et il finit par se trouver face à face avec le bossu, sans le voir. À ce moment, il s’arrêta, se tourna du côté du bossu et se mit en posture d’uriner. Mais tout à coup il vit le bossu juste devant lui, contre le mur. À la vue de