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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/164

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les mille nuits et une nuit

dit frapper doucement à la porte. Il se leva et courut ouvrir et vit une vieille femme qu’il ne connaissait point et qui lui dit : « Ô mon enfant, sache que le temps de la prière en ce jour saint du vendredi est presque écoulé, et je n’ai pas encore pu faire mes ablutions d’avant la prière. Je te prie donc de me permettre d’entrer un instant chez toi faire mes ablutions à l’abri des indiscrets. » Et mon frère lui répondit : « J’écoute et j’obéis ! » et il lui ouvrit toute grande la porte et l’introduisit et la mena à la cuisine, où il la laissa seule.

Au bout de quelques instants, la vieille vint retrouver mon frère dans sa chambre, et là elle se tint sur le vieux morceau de natte qui servait de tapis dans la chambre, y fit quelques génuflexions assez à la hâte, puis elle termina sa prière en faisant pour mon frère des vœux fort bien dits et pleins de componction. Et mon frère, qui d’ailleurs ne se possédait pas de bonheur, la remercia vivement et, tirant de sa ceinture deux dinars d’or, les lui tendit généreusement. La vieille les repoussa avec dignité et s’écria : « Ô mon enfant, qu’Allah soit loué qui t’a fait si généreux ! Aussi je ne m’étonne plus que tu saches si vite inspirer de la sympathie aux gens, même à ceux qui, comme moi, ne t’ont vu qu’une seule fois. Quant à cet argent que tu veux bien m’offrir, remets-le dans ta ceinture, car, à en juger à ta mine, tu dois être un pauvre saâlouk, et cet argent te doit être plus nécessaire qu’à moi, qui n’en ai guère besoin. Et si vraiment, toi-même, tu peux aussi t’en dispenser, tu n’as qu’à le rendre à la noble femme qui te l’avait donné en voyant tes