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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/190

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les mille nuits et une nuit

Et c’est alors seulement que chacun de nous se retira, et que moi je revins chez moi pour donner à manger à mon épouse.

Mais, à mon arrivée à la maison, je trouvai que ma femme me tournait le dos et était de fort méchante humeur. Et elle me dit : « Est-ce ainsi que tu m’abandonnes toute la journée et que, pendant que tu es dans la dilatation du plaisir et de l’épanouissement, tu me laisses à la maison toute seule, triste et déplorable ! Aussi, si tout de suite tu ne me fais pas sortir et ne me promènes pendant le reste de la journée, il n’y aura plus que le kâdi entre moi et toi, et je lui demanderai le divorce, sans différer ! »

Alors moi, qui n’aimais pas la mauvaise humeur et les scènes d’intérieur, pour avoir la paix et malgré ma fatigue, je sortis promener ma femme. Et nous restâmes à parcourir les rues et les jardins jusqu’au coucher du soleil.

Et c’est alors, comme nous retournions au logis, que nous fîmes la rencontre fortuite du petit bossu qui t’appartient, ô roi puissant et généreux. Et le bossu, qui était dans le plus grand état d’ivresse et gaîté, était en train de dire des bons mots fort plaisants à ceux qui l’entouraient, et il récitait ces deux strophes :

« Entre la coupe transparente et colorée et le vin subtil et purpurin, mon choix hésite et ne sait ce qu’il faudrait élire !

Car la coupe est comme le vin subtil et purpurin ! Et le vin est comme cette coupe transparente et colorée ! »