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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/32

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« Ô mon maître, que ton absence ne dure pas trop longtemps, ou je mourrai de désolation ! » Puis elle s’éloigna ; et je restai seul avec le marchand, dans le souk, jusqu’au déclin du jour.

« Et moi, j’étais là, tout à fait comme si j’avais perdu mes sens et ma raison, et tout entier possédé par la folie de cette passion soudaine. Et la violence de ce sentiment fit que je me hasardai à questionner le marchand au sujet de la dame. Avant donc de me lever pour m’en aller, je lui dis : « Sais-tu qui est cette dame ? » Il me dit : « Oui, certes. C’est une dame fort riche. Son père était un émir illustre, qui est mort et lui a laissé beaucoup de biens et de richesses. »

« Alors je pris congé du marchand et je m’éloignai, et revins au khân Serour, où je logeais. Et mes serviteurs m’offrirent à manger : mais je pensais à elle et ne pus toucher à rien ; et je m’étendis pour dormir, mais aucun sommeil ne me vint ; et je passai ainsi toute la nuit à veiller, jusqu’au matin.

« Alors je me levai et me vêtis d’une robe encore plus belle que celle que j’avais la veille ; et je bus une coupe de vin et je déjeunai d’un petit morceau et je retournai à la boutique du marchand ; je le saluai et m’assis à ma place accoutumée. J’étais à peine assis que je vis arriver l’adolescente ; et elle était accompagnée d’une esclave. Elle entra, s’assit et me salua sans faire le moindre souhait de paix à Badreddine. Et, d’une voix suave et d’une façon de parler incomparable et d’une douceur sans pareille, elle me dit : « Envoie quelqu’un avec moi pour toucher les mille et deux cents drachmes, prix de la pièce de soie. »