Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/33

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Et je lui répondis : « Mais il n’y a rien qui presse. Pourquoi donc cette hâte ? » Et elle me dit : « Que tu es munificent ! Mais encore faut-il que je ne sois pas pour toi une cause de perte. » Puis elle se décida à me mettre elle-même dans la main le prix de l’étoffe. Et nous nous mîmes à causer, et soudain je m’enhardis à lui révéler, par signes, la vivacité de mon sentiment. Et elle comprit aussitôt que je désirais ardemment mon union avec elle. Alors elle se leva vivement et s’éloigna rapidement après m’avoir pourtant dit, par politesse, un mot pour prendre congé. Alors, moi, je ne pus tenir davantage, et je sortis de la boutique, le cœur violemment attiré vers elle et me mis à marcher derrière elle, de fort loin, jusqu’à ce que je fusse arrivé hors du souk. Et tout à coup je la perdis de vue ; mais, à l’instant même, je vis venir à moi une jeune fille que je ne connaissais point et que je ne pouvais deviner à cause de son voile ; et elle me dit : « Ô mon maître, viens auprès de ma maîtresse qui a à te parler ! » Alors je fus très surpris et dis : « Mais nul ici ne me connaît ! » Et la jeune fille me dit : » Oh ! comme tu oublies vite ! Ne te rappelles-tu pas que je suis la servante que tu as vue tout à l’heure dans le souk avec la jeune dame, dans la boutique du marchand tel ? » Alors je me mis à marcher derrière elle jusqu’à ce que j’eusse vu sa maîtresse dans un coin de la rue des Changeurs. Lorsqu’elle me vit, elle s’avança vivement de mon côté, me prit dans l’angle de la rue et me dit : « Mon chéri, sache que tu occupes toute ma pensée, et que tu remplis mon cœur d’amour. Et, depuis l’heure où je t’ai vu,