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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/45

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Alors je fis un effort sur moi-même, je tendis la main gauche et pris d’elle la coupe. Mais je ne pus retenir mes larmes et je récitai ces strophes :

« Les doigts du Très-Haut tiennent toutes les destinées. Il peut, à son gré, nous rendre sourds, aveugles, ignorants.

Il peut, s’il le veut, nous arracher la raison aussi aisément qu’on arrache un cheveu.

Il peut aussi, s’il le veut, nous rendre la raison, mais pour que nous puissions reconnaître nos erreurs »

« En finissant de réciter ces vers, je sanglotai de toute mon âme. Lorsqu’elle me vit ainsi pleurer, elle ne put elle-même se retenir davantage ; elle me prit la tête entre les mains et s’écria éperdument : « Oh ! de grâce, dis-moi enfin le motif de tes pleurs ! Tu m’as brûlé le cœur ! Et dis-moi aussi comment il se fait que tu prennes ainsi de moi la coupe avec ta main gauche. » Alors je lui répondis : « J’ai un abcès à la main droite. » Et elle me dit : « Découvre-moi cet abcès pour que je le crève ; et tu seras soulagé. » Je lui répondis : « Ce n’est guère le moment de faire cette opération. N’insiste donc pas davantage, car je suis bien résolu à ne pas découvrir ma main. » À ces paroles, je vidai entièrement la coupe, et je continuai à boire chaque fois qu’elle m’offrait la coupe remplie, et cela jusqu’à ce que je fusse tout à fait pris d’ivresse. Alors je m’étendis à ma place même et m’endormis.

« Alors elle profita de mon sommeil pour découvrir