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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/58

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cette passion et à cette amitié qu’elle a pour moi ! Elle m’apporte la valeur de quatre cents dinars et elle me prend pour mille dinars de marchandises ! Si cela marche de cette façon-là, je n’ai plus devant moi que la faillite et la perte du bien des autres. Et, d’ailleurs, c’est à moi seul que les marchands frustrés viendront s’attaquer. Et j’ai bien peur que cette femme ne soit une trompeuse pleine d’astuce qui vient me circonvenir de ses charmes et de sa beauté, une rusée qui profite de ce que je suis un pauvre marchand sans protection et sans appui pour se moquer de moi et rire sur mon dos. Et moi qui ne lui ai pas demandé l’adresse de sa demeure ! »

« Je restai ainsi rempli de soucis et de pensées torturantes pendant un mois entier, au bout duquel les marchands vinrent me réclamer leur argent et insistèrent tellement que je me vis obligé, pour les contenter, de leur dire que j’allais tout vendre, ma boutique et ce qu’elle contenait, ma maison et tous mes biens. Et je fus ainsi tout près de ma ruine ; et je m’assis fort soucieux tout à ces pensées tristes, quand soudain je la vis apparaître au haut du souk, franchir la porte du souk et se diriger de mon côté. Lorsque je la vis, je sentis aussitôt s’évanouir mes soupçons et mes soucis, et j’oubliai l’état malheureux où j’avais été durant tout le temps de son absence. Et elle s’approcha de moi et se mit à causer avec moi en me parlant de sa voix si belle et en me disant de ces paroles si délicieuses qu’elle savait dire. Puis elle me dit : « Apporte le trébuchet et pèse l’argent que je t’apporte ! » Et elle me donna, en effet, tout ce qui me revenait et même plus,