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les mille nuits et une nuit

désespoir se fût bien consolidé dans mon cœur. Alors je me frappai la tête de mes deux mains et je m’écriai encoure : « Qu’avais-tu donc besoin, misérable, de voyager encore, alors qu’à Baghdad tu vivais dans les délices ? N’avais-tu pas des mets excellents, des liquides excellents et des habits excellents ? Que manquait-il à ton bonheur ? Ton premier voyage ne t’a-t-il donc été d’aucun fruit ? » Alors je me jetai la face contre terre en pleurant déjà ma mort et disant : « Nous appartenons à Allah et vers lui nous devons retourner ! » Et ce jour-là je faillis devenir fou.

Mais comme à la fin je voyais bien que tous mes regrets étaient inutiles et mon repentir fort tardif, je me résignai à ma destinée. Je me levai, debout sur mes jambes, et, après avoir erré quelque temps sans but, j’eus bien peur de quelque rencontre désagréable d’une bête sauvage ou d’un ennemi inconnu, et je grimpai au haut d’un arbre d’où je me mis à regarder plus attentivement à droite et à gauche ; mais je ne pus distinguer rien autre chose que le ciel, la terre, la mer, les arbres, les oiseaux, les sables et les rochers. Toutefois, en observant un point de l’horizon avec plus d’attention, je crus apercevoir un fantôme blanc et gigantesque. Alors, attiré par la curiosité, je descendis de l’arbre ; mais, retenu par la peur, je ne me dirigeai que fort lentement et avec beaucoup de circonspection de son côté. Lorsque je ne fus plus qu’à quelque distance de cette blancheur, je découvris que c’était un dôme immense, d’un blanc éblouissant, large de base et d’une grande hauteur. Je m’en approchai encore davantage et j’en fis tout le tour ; mais je n’en découvris point la porte d’en-