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histoire de sindbad le marin (3e voyage)
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Le capitaine n’avait pas encore fini ces explications que nous vîmes notre navire entouré par une multitude d’êtres velus comme des singes, plus innombrables qu’une armée de sauterelles, tandis que, sur le rivage de l’île, d’autres singes, en quantité inimaginable, poussaient des hurlements qui nous glacèrent sur place. Et nous, nous n’osâmes guère maltraiter, attaquer ou même chasser aucun d’entre eux, de peur qu’ils ne se ruassent tous sur nous et, grâce à leur nombre, ne nous tuassent jusqu’au dernier : car il est bien certain que le nombre vient toujours à bout du courage. Nous ne voulûmes donc faire aucun mouvement, alors que de tous côtés nous étions envahis par ces singes qui commençaient à faire main basse sur tout ce qui nous appartenait. Ils étaient bien laids. Ils étaient même plus laids que tout ce que j’avais vu de laid jusqu’à ce jour de ma vie. Ils étaient poilus et velus, avec des yeux jaunes dans des faces noires ; leur taille était toute petite, à peine longue de quatre empans, et leurs grimaces et leurs cris plus horribles que tout ce que l’on pourrait inventer dans ce sens-là ! Quant à leur langage, ils avaient beau nous parler et nous invectiver en claquant des mâchoires, nous ne parvenions guère à le comprendre, bien que nous y prêtassions la meilleure attention. Aussi nous les vîmes bientôt mettre à exécution le plus funeste des projets. Ils grimpèrent aux mâts, déplièrent les voiles, coupèrent tous les cordages avec leurs dents, et finirent par s’emparer du gouvernail. Alors le navire, poussé par le vent, alla à la côte, où il s’ensabla. Et les petits singes s’emparèrent de nous tous, nous