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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 6, trad Mardrus, 1901.djvu/164

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les mille nuits et une nuit

Alors moi je fus à la limite de l’effroi et je m’écriai : « Nous sommes perdus ! Le père et la mère du rokh vont venir bientôt nous attaquer et nous faire périr ! Il faut donc nous éloigner au plus vite de cette île ! » Et aussitôt nous déployâmes les voiles et, aidés par le vent, nous prîmes le large.

Pendant ce temps, les marchands s’occupaient à rôtir les quartiers de rokh ; mais ils n’avaient pas même commencé de s’en régaler, que nous vîmes sur l’œil du soleil deux gros nuages qui le masquèrent complètement. Quand ces nuages furent plus près de nous, nous vîmes qu’ils n’étaient autre chose que deux gigantesques rokhs, le père et la mère de celui qui avait été tué. Et nous les entendîmes qui battaient des ailes et lançaient des cris plus terribles que le tonnerre. Et nous les vîmes bientôt juste au-dessus de nos têtes, mais à une grande hauteur, tenant chacun dans ses griffes un énorme rocher plus grand que notre navire.

À cette vue, nous ne doutâmes plus de notre perte, par l’effet de la vengeance des rokhs. Et soudain l’un des rokhs laissa du haut des airs tomber la roche dans la direction du navire. Mais le capitaine était fort expérimenté ; d’un coup de barre, il manœuvra si rapidement que le navire vira de bord, et que le rocher alla tomber, en passant juste à côté de nous, dans la mer qui s’entr’ouvrit d’une façon si béante que nous en vîmes le fond, et que le navire monta et descendit et remonta effroyablement. Mais, au même moment, notre destin voulut que le second rokh lâchât lui aussi son rocher qui, avant que nous eussions pu l’éviter, vint tomber sur l’arrière en