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histoire de sindbad le marin (5e voyage)
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brisant le gouvernail en vingt morceaux et en emportant la moitié du navire dans l’eau. Du coup, les marchands et les matelots furent les uns écrasés et les autres submergés. Moi, je fus au nombre des submergés.

Mais moi, je pus revenir un moment au-dessus de l’eau, tant j’avais lutté contre la mort poussé par l’instinct de conserver mon âme précieuse. Et, par bonheur, je pus m’accrocher à une planche de mon navire, qui avait disparu.

Je finis par pouvoir me mettre à califourchon sur cette planche et, en ramant des pieds, je pus, aidé par le vent et le courant, arriver à une île, juste à temps pour ne pas rendre mon dernier souffle, tant j’étais exténué de fatigue, de faim et de soif. Je me jetai d’abord sur le rivage où je restai anéanti une heure de temps, jusqu’à ce que mon âme et mon cœur pussent se reposer et se tranquilliser. Je me levai alors et m’avançai dans l’île pour reconnaître les lieux.

Je n’eus pas besoin de faire un long chemin pour remarquer que, cette fois, la destinée m’avait transporté dans un jardin si beau qu’il pouvait être comparé aux jardins du paradis. Partout, devant mes yeux charmés, des arbres aux fruits dorés, des ruisseaux coureurs, des oiseaux aux mille ramages et des fleurs ravissantes. Aussi je ne manquai point de manger de ces fruits, de boire à cette eau et de respirer ces fleurs ; et je trouvai le tout excellent au possible…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement.