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les mille nuits et une nuit

Il y avait aussi, dans cette île, une source d’ambre brut liquide, de la couleur du bitume, qui coulait comme de la cire fondue sur le rivage sous l’action du soleil ; et les gros poissons sortaient de la mer et venaient l’avaler ; ils le chauffaient dans leur ventre, et le vomissaient au bout d’un certain temps à la surface de l’eau ; alors il devenait dur et changeait de nature et de couleur ; et les vagues le rapportaient sur le rivage qui en était embaumé. Quant à l’ambre que les poissons n’avalaient pas, il fondait sous l’action des rayons du soleil et répandait par toute l’île une odeur semblable au parfum du musc.

Je dois également vous dire que toutes ces richesses ne pouvaient servir à personne, puisque nul n’avait pu aborder à cette île et en sortir vivant ou mort. En effet, tout navire qui s’en approchait était brisé contre la montagne ; et nul ne pouvait faire l’ascension de cette montagne, tant elle était impraticable.

Aussi les passagers qui avaient pu se sauver du naufrage de notre navire, et moi-même, nous fûmes bien perplexes, et nous demeurâmes sur le rivage hébétés de tout ce que nous avions sous les yeux en richesses, et du sort misérable qui nous attendait au milieu de ces somptuosités.

Nous demeurâmes donc pendant un certain temps sur le rivage, sans savoir quel parti prendre ; puis, comme nous avions trouvé quelques provisions, nous les partageâmes entre nous en toute équité. Or, mes compagnons, qui n’étaient point habitués aux aventures, mangèrent leur part en une seule fois ou en deux fois ; aussi ils ne tardèrent pas, au bout d’un