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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 6, trad Mardrus, 1901.djvu/179

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histoire de sindbad le marin (6e voyage)
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certain temps, variable suivant l’endurance de chacun, à succomber l’un après l’autre, faute de nourriture. Mais moi je sus ménager avec prudence mes provisions, et je n’en mangeai qu’une fois par jour ; d’ailleurs j’avais trouvé, à moi seul, d’autres provisions dont je me gardai bien de parler à mes compagnons.

Ceux d’entre nous qui moururent les premiers furent enterrés par les autres, après qu’on les eut lavés et mis dans un linceul confectionné avec les étoffes ramassées sur le rivage. Aux privations vint d’ailleurs s’ajouter une épidémie de mal de ventre, occasionnée par le climat humide de la mer. Aussi mes compagnons ne tardèrent pas à mourir jusqu’au dernier ; et c’est moi-même qui creusai de ma main la fosse du dernier de mes compagnons.

À ce moment, il ne me restait plus que très peu de provisions, malgré mon économie et ma prudence ; et, comme je voyais approcher le moment de ma mort, je me mis à pleurer sur moi-même en pensant : « Pourquoi n’ai-je pas succombé avant mes compagnons qui m’eussent rendu les derniers devoirs en me lavant et m’ensevelissant ! Il n’y a de recours et de force qu’en Allah le Tout-Puissant ! » Et là-dessus je me mis à me mordre les mains de désespoir…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement.