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les mille nuits et une nuit

vous faites ! » Ils me répondirent : « Nous sommes des adorateurs du vrai Dieu ! » Puis l’un d’eux, sans ajouter une parole de plus, me fit de la main un signe dans une direction, comme pour m’inviter à diriger mes pas de ce côté-là, me laissa entre les mains sa canne d’or, et, prenant son beau compagnon par la main, il disparut avec lui à mes yeux.

Alors, moi, je pris la canne d’or en question et n’hésitai pas à me diriger dans le sens qui m’avait été indiqué, tout en m’émerveillant au souvenir de ces deux garçons si beaux. Comme je marchais de la sorte depuis un certain temps, je vis soudain sortir de derrière un rocher un serpent gigantesque qui tenait dans sa gueule un homme aux trois quarts avalé et dont je ne voyais que la tête et les bras. Les bras se débattaient désespérément et la tête criait : « Ô passant, sauve-moi de la gueule de ce serpent, et tu n’auras pas à te repentir de ton action ! » Moi, alors, je courus derrière le serpent et lui assénai par derrière avec ma canne d’or rouge un coup si bien ajusté qu’il resta inanimé à l’heure et à l’instant. Et je tendis la main à l’homme avalé et l’aidai à sortir du ventre du serpent.

Lorsque j’eus mieux regardé l’homme au visage, je fus à la limite de la surprise de reconnaître en lui le volatile qui m’avait fait faire mon voyage aérien et avait fini par se précipiter avec moi, au risque de m’abîmer, du haut de la voûte du ciel sur le sommet de la montagne, où il m’avait abandonné en danger de mourir de faim et de soif. Mais je ne voulus tout de même pas lui montrer de la rancune pour sa mauvaise action, et me contentai de lui dire doucement :