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les mille nuits et une nuit

son récit, au milieu des convives silencieux et émerveillés, il se tourna vers Sindbad le Portefaix et lui dit : « Et maintenant, ô Sindbad terrien, considère les travaux que j’ai accomplis et les difficultés que j’ai surmontées par la grâce d’Allah, et dis-moi si ton sort comme portefaix, n’a pas été de beaucoup plus favorable à une vie tranquille que celui qui m’est échu par la destinée ? Tu es, il est vrai, resté pauvre et moi j’ai acquis des richesses incalculables ; mais n’est-ce point que chacun de nous a été rétribué selon son effort ? » À ces paroles, Sindbad le Portefaix vint baiser la main de Sindbad le Marin et lui dit : « Par Allah sur toi, ô mon maître, excuse l’inconséquence de ma chanson ! »

Alors Sindbad le Marin fit tendre la nappe pour ses invités, et leur donna un festin qui dura trente nuits. Puis il voulut garder auprès de lui, comme intendant de sa maison, Sindbad le Portefaix. Et tous deux vécurent en amitié parfaite et à la limite de la dilatation jusqu’à ce que vint les visiter celle qui fait s’évanouir les délices, qui rompt les amitiés, qui détruit les palais et élève les tombeaux, l’amère mort. Gloire au Vivant qui ne meurt pas !

— Lorsque Schahrazade, la fille du vizir, eut fini de raconter l’histoire de Sindbad le Marin, elle se sentit légèrement fatiguée, et, comme elle voyait d’ailleurs s’approcher le matin et ne voulait pas, discrète selon son habitude, abuser de la permission accordée, elle se tut en souriant.

Alors la petite Doniazade qui avait écouté, émerveillée et les yeux dilatés, cette histoire étonnante, se leva du tapis où elle était blottie et courut embrasser sa sœur