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histoire de zoumourroud avec alischar
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son habitude, d’un paquet renfermant une tapisserie exécutée par Zoumourroud ; et il prit le chemin du souk pour le proposer aux marchands, par l’entremise du crieur, comme toujours. Arrivé au souk, il la remit au crieur qui se mit à la crier devant les boutiques des marchands, quand vint à passer un chrétien, un de ces individus comme il en pullule à l’entrée des souks et qui obsèdent le client de leurs offres de service.

Ce chrétien s’approcha du crieur et d’Alischar et leur proposa soixante dinars de la tapisserie, au lieu de cinquante qui en était le prix crié. Mais Alischar, qui avait de l’aversion et de la défiance pour ces sortes d’individus et qui, d’ailleurs, se rappelait la recommandation de Zoumourroud, ne voulut pas la lui céder. Alors le chrétien augmenta son offre, et finit par proposer cent dinars ; et le crieur dit à l’oreille d’Alischar : « En vérité, ne laisse pas échapper cette excellente aubaine ! » Car le crieur avait déjà été secrètement soudoyé par le chrétien moyennant dix dinars. Et il manœuvra si bien sur l’esprit d’Alischar, qu’il le décida à livrer la tapisserie au chrétien, contre la somme convenue. Il le fit donc, mais non sans une grande appréhension, toucha les cent dinars, et reprit le chemin de sa maison.

Tandis qu’il marchait, il s’aperçut à un tournant de rue que le chrétien le suivait. Il s’arrêta et lui demanda : « Qu’as-tu à faire dans ce quartier où n’entrent pas les gens de ton espèce, chrétien ? » Celui-ci dit : « Excuse-moi, ô mon maître, mais j’ai une commission à remplir au bout de cette ruelle. Qu’Allah te conserve ! » Alischar continua sa route