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les mille nuits et une nuit

« N’es-tu point chrétien et ton nom n’est-il pas Barssoum ? Et n’es-tu donc pas venu dans ce pays pour te mettre à la recherche d’une esclave volée par toi dans le temps ? Ah ! chien ! Ah ! maudit ! tu vas tout de suite avouer la vérité que vient de me révéler si clairement mon sable divinatoire ! »

À ces paroles, le chrétien terrifié croula sur le sol, les mains jointes, et dit : « Grâce ! ô roi du temps, tu ne te trompes pas ! Je suis, en effet — préservé sois-tu de tout mal ! — un ignoble chrétien, et je suis venu ici dans l’intention de ravir une musulmane que j’avais volée et qui s’était enfuie de notre maison ! »

Alors Zoumourroud, au milieu des murmures d’admiration de tout le peuple qui disait : « Ouallah ! il n’y a pas dans le monde un géomancien liseur de sable comparable à notre roi ! » appela le porte-glaive et ses aides et leur dit : « Emmenez ce misérable chien hors de la ville, écorchez-le vif, empaillez-le avec du foin de mauvaise qualité, et revenez clouer cette peau à la porte du meidân ! Quant à son cadavre, il faut le brûler avec des excréments desséchés, et enfouir ce qui en restera dans la fosse aux ordures ! » Et ils répondirent par l’ouïe et l’obéissance, emmenèrent le chrétien, et l’exécutèrent selon la sentence que le peuple trouva pleine de justice et de sagesse.

Quant aux voisins qui avaient vu le misérable manger du riz au lait, ils ne purent s’empêcher de se communiquer mutuellement leurs impressions. L’un dit : « Ouallah ! jamais plus de ma vie je ne me laisserai tenter par ce plat que pourtant j’aime