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les mille nuits et une nuit

« Louanges à Allah qui m’a créée avec de l’embonpoint, qui a mis des coussins dans tous mes coins et mes recoins, qui a pris soin de me farcir la peau avec de la graisse qui sent le benjoin de près et de loin, et qui, néanmoins, n’a point refusé de me donner, comme appoint, assez de muscles pour, en cas de besoin, appliquer à mon ennemi un coup de poing qui en fasse une marmelade de coings.

« Or, ô maigre, sache que les sages ont dit : « La joie de la vie et la volupté consistent en trois choses : manger de la chair, monter sur de la chair, et faire entrer la chair dans la chair ! »

« Qui pourrait, sans frémir de plaisir, contempler mes formes plantureuses ? Allah lui-même, dans le Livre, fait l’éloge de la graisse quand il commande d’immoler dans les sacrifices des moutons gras ou des agneaux gras ou des veaux gras.

« Mon corps est un verger dont les fruits sont : les grenades, mes seins ; les pêches, mes joues ; les pastèques, mes fesses.

« Quel est le volatile qui fut le plus regretté dans le désert par les Bani-Israïl en fuite hors d’Égypte ? N’est-ce point la caille à la chair juteuse et grasse ?

« A-t-on jamais vu quelqu’un s’arrêter chez le boucher pour lui demander de la chair étique ? Et le boucher ne donne-t-il pas à ses meilleurs clients les morceaux les plus charnus ?

« Écoute, d’ailleurs, ô maigre, ce que le poète dit au sujet de la femme grasse comme je le suis :

« Regarde-la marcher quand elle remue des deux