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aventure du poète abou-nowas
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« Et moi je lui dis : « Pourquoi passes-tu sans me regarder i alors que je consens à me livrer entre tes mains comme la victime sous les coups du sacrificateur ? »

« Il me répondit : « Laisse ces discours et regarde en silence l’œuvre du Créateur. Blanc est mon corps et blanche ma tunique, blanc est mon visage et blanche ma destinée : c’est blanc sur blanc, et blanc sur blanc ! »

Lorsque le jeune garçon eut entendu ces vers, il sourit et se dévêtit de sa tunique blanche pour paraître tout en rouge. À cette vue, Abou-Nowas sentit l’émotion poétique l’étreindre tout à fait et, séance tenante, il improvisa ces vers :

« Il s’est montré vêtu d’une tunique rouge comme ses procédés cruels !

« Et moi je m’écriai, ému de surprise : « Comment se fait-il que tu puisses, bien que tu sois d’une blancheur de lune, apparaître avec tes deux joues rougies, on le dirait, du sang de nos cœurs, et vêtu d’une tunique prise aux anémones ? »

« Il me répondit : « L’aurore m’avait d’abord prêté son vêtement, mais c’est maintenant le soleil lui-même qui m’a fait cadeau de ses flammes : de flamme sont mes joues et rouge mon habit, de flamme sont mes lèvres et rouge le vin qui les colore : c’est rouge sur rouge, et rouge sur rouge ! »

Lorsque le mignon eut entendu ces vers, d’un geste il rejeta sa tunique rouge et parut vêtu de la tunique noire qu’il portait directement sur la peau et