Aller au contenu

Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 6, trad Mardrus, 1901.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
les mille nuits et une nuit

qui dessinait bien la taille serrée par une ceinture de soie. Et Abou-Nowas, à cette vue, fut à la limite de l’exaltation et improvisa ces vers en son honneur :

« Il s’est montré vêtu d’une tunique noire comme la nuit, et il ne daigna me jeter un regard seulement ! Et je lui dis : « Ne vois-tu donc pas que mes ennemis et mes envieux exultent de ton abandon ?

« Ah ! je le vois bien maintenant : noirs sont tes vêtements et noire ta chevelure, noirs sont tes yeux et noire ma destinée : c’est noir sur noir, et noir sur noir ! »

Lorsque l’envoyé du khalifat eut vu le jeune homme et entendu ces vers, il excusa en son âme Abou-Nowas, et retourna sur l’heure au palais où il mit le khalifat au courant de l’aventure survenue à Abou-Nowas et lui raconta comment le poète s’était constitué en otage dans le cabaret, n’ayant pu payer la somme promise au beau jeune homme.

Alors le khalifat, fort irrité à la fois et amusé, remit à l’eunuque la somme nécessaire à la délivrance de l’otage, et lui ordonna d’aller le tirer de là sur le champ et de l’amener en sa présence, de gré ou de force.

L’eunuque se hâta d’exécuter l’ordre et bientôt s’en revint en soutenant avec difficulté le poète qui chancelait, pris de boisson. Et le khalifat l’apostropha d’une voix qu’il essaya de rendre furieuse ; puis, voyant qu’Abou-Nowas éclatait de rire, il s’approcha de lui, le prit par la main et s’achemina avec lui vers le pavillon où se trouvait l’adolescente.