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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 6, trad Mardrus, 1901.djvu/92

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les mille nuits et une nuit

Sindbad, que j’avais un père marchand qui était des grands d’entre les gens et les marchands. Chez lui il y avait de nombreuses richesses dont il faisait usage sans cesse pour distribuer aux pauvres des largesses, pourtant avec sagesse, car à sa mort il me laissa en héritage, alors que j’étais encore en bas âge, beaucoup de biens, de terres et de villages.

Lorsque j’eus atteint l’âge d’homme, je mis la main sur tout cela, et je me plus à manger des mets extraordinaires et à boire des boissons extraordinaires, à fréquenter les jeunes gens et à faire le beau avec des habits excessivement chers, et à cultiver les amis et les camarades. De la sorte, je finis par être convaincu que cela devait durer toujours pour mon plus grand avantage. Et je continuai à vivre ainsi un long espace de temps, jusqu’à ce qu’un jour, revenu de mon égarement et retourné à ma raison, j’eusse constaté que mes richesses étaient dissipées, ma condition changée et mes biens en allés. Alors, réveillé tout à fait de mon inaction, je me vis en proie à la peur et à l’ahurissement d’arriver un jour à la vieillesse dans le dénûment. Alors aussi me vinrent à la mémoire ces paroles que mon défunt père se plaisait à répéter, paroles de notre maître Soleïmân ben-Daoud (sur eux deux la prière et la paix !) : Il y a trois choses préférables à trois autres : le jour de la mort est moins fâcheux que le jour de la naissance, un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort, et le tombeau est préférable à la pauvreté.

À ces pensées, je me levai à l’heure et à l’instant ; je ramassai ce qui me restait en meubles et vête-