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les mille nuits et une nuit

des effets. Elle vit mon émerveillement et me demanda : « Sais-tu de qui sont les vers et de qui la musique ? » Je répondis, bien que je fusse fixé à ce sujet : « Je l’ignore tout à fait, ô ma maîtresse ! » Elle s’écria : « Est-il possible vraiment que quelqu’un au monde puisse ignorer cet air-là ! Sache-le donc, les vers sont d’Abou-Nowas, et la musique, qui est admirable, est du grand mucisien Ishak de Mossoul ! » Je répondis, sans me trahir : « Par Allah ! Ishak n’est plus rien à côté de toi ! » Elle s’écria : « Bakh ! bakh ! quelle erreur est la tienne ! Y a-t-il au monde quelqu’un qui soit l’égal d’Ishak ? On voit bien que tu ne l’as jamais entendu ! » Puis elle se mit à chanter encore, en s’interrompant pour voir si je ne manquais de rien ; et nous continuâmes à nous réjouir de la sorte jusqu’à l’apparition de l’aurore.

Alors une vieille femme, qui devait être sa nourrice, vint la prévenir que l’heure était arrivée de lever la séance ; et l’adolescente, avant de se retirer, me dit : « Ai-je besoin de te recommander la discrétion, ô mon hôte ? Les réunions intimes sont comme un gage qu’on laisse à la porte avant de se retirer ! » Je répondis en m’inclinant : « Je ne suis pas de ceux qui ont besoin de pareilles recommandations ! » Et, une fois que j’eus pris congé d’elle, on me mit dans la corbeille et on me descendit dans la rue.

J’arrivai chez moi où je fis ma prière du matin, et me mis au lit où je dormis jusqu’au soir. À mon réveil, je m’habillai à la hâte et me rendis au palais ; mais les chambellans me dirent que le khalifat était sorti et me faisait dire d’attendre son retour, car il avait un festin pour la nuit et ma présence lui était