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le parterre fleuri… (le khalifat…)
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cette nuit ! » Et, dès cet instant, il ne sut plus comment faire pour attendre avec patience la tombée de la nuit. Et moi je lui recommandai beaucoup de bien se garder de se trahir et de me trahir en m’appelant par mon nom devant l’adolescente. Il me le promit formellement et, dès que le moment propice fut venu, il se déguisa en marchand et m’accompagna à la ruelle.

Nous trouvâmes, à la place ordinaire, deux corbeilles au lieu d’une, et nous prîmes place chacun dans l’une d’elles. Nous fûmes aussitôt enlevés et déposés sur la terrasse, d’où nous descendîmes dans la magnifique salle en question, où bientôt vint nous rejoindre l’adolescente, plus belle cette nuit qu’elle ne l’avait jamais été.

À sa vue, je remarquai que le khalifat en devenait éperdument épris. Mais lorsqu’elle se mit à chanter, ce fut du délire, d’autant plus que déjà les vins qu’elle nous présentait avec grâce avaient échauffé nos raisons. Dans sa gaîté et son enthousiasme, le khalifat oublia soudain la résolution qu’il avait prise, et me dit : « Eh bien ! Ishak, qu’attends-tu pour lui donner la réplique par quelque chant sur un air nouveau de ton invention ? » Alors moi, bien embarrassé, je fus obligé de répondre : « J’écoute et j’obéis à ton ordre, ô émir des Croyants ! »

Sitôt qu’elle eut entendu ces paroles, l’adolescente nous regarda un instant et se leva en toute hâte pour se couvrir le visage et disparaître, comme il était séant de la part d’une femme en présence de l’émir des Croyants. Alors El-Mâmoun, un peu désappointé de son départ, du fait de l’oubli qu’il