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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 7, trad Mardrus, 1901.djvu/26

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les mille nuits et une nuit

qu’à ce qu’elle fût arrivée, à une tombée de nuit, devant une colonne de pierre noire à laquelle était enchaîné un être étrange dont on ne voyait émerger que la moitié du corps, l’autre moitié étant enfoncée profondément dans le sol. Ce tronc qui sortait de terre semblait quelque enfantement monstrueux poussé là par la force des puissances infernales. Il était noir et grand comme le tronc d’un vieux palmier déchu dépouillé de ses palmes. Il avait deux énormes ailes noires et quatre mains dont deux étaient semblables aux pattes griffues des lions. Une chevelure hérissée en crins rudes de queue d’onagre se mouvait sauvagement sur son crâne épouvantable. Sous les arcades orbitaires deux yeux rouges flambaient, tandis que le front aux doubles cornes de bœuf était troué d’un œil unique qui béait immobile et fixe en lançant des lueurs vertes comme l’œil des tigres et des panthères.

À la vue des voyageurs, le tronc agita les bras en faisant des cris effroyables et des mouvements désespérés comme pour briser les chaînes qui l’attachaient à la colonne noire. Et la caravane, prise d’une terreur extrême, se figea sur place, n’ayant la force ni d’avancer ni de reculer.

Alors l’émir Moussa se tourna vers le cheikh Abdossamad et lui demanda : « Peux-tu, ô vénérable, nous dire ce que peut bien être cela ? » Le cheikh répondit : « Par Allah ! ô émir, cela dépasse mon entendement ! » Et l’émir Moussa dit : « Alors avance plus près et interroge-le ! Peut-être nous éclairera-t-il lui-même ! » Et le cheikh Abdossamad ne voulut point montrer d’hésitation : il s’appro-