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les mille nuits et une nuit

Alors, moi je me ramassai comme je pus, et me traînai jusqu’à ma maison, tout ensanglanté, pour tomber évanoui tout de mon long, à peine arrivé dans ma chambre depuis si longtemps abandonnée.

Lorsque, au bout d’un long temps, je fus revenu de mon évanouissement, je fis venir chez moi un savant rebouteur, à la main très légère, qui pansa délicatement mes blessures et, à force de baumes et d’onguents, réussit à obtenir ma guérison. Je restai pourtant étendu dans l’immobilité pendant deux mois ; et lorsque je pus sortir, je commençai par aller au hammam ; et, mon bain terminé, je me rendis à ma boutique. Là je me hâtai de vendre aux enchères tout ce qu’elle contenait de choses précieuses, je réalisai tout ce que je pus réaliser, et, avec la somme acquise, j’achetai quatre cents jeunes mamalik que j’habillai richement, et ce bateau où vous m’avez vu cette nuit en leur compagnie. Je choisis l’un, d’eux, qui ressemblait à Giafar, pour en faire mon compagnon de droite, et un autre pour lui donner les prérogatives de porte-glaive, à l’exemple de l’émir des Croyants. Et, dans le but d’oublier mes tribulations, je me déguisai moi-même en khalifat, et pris l’habitude de me promener chaque nuit sur le fleuve, au milieu de l’illumination de mon bateau et des chants et des jeux des instruments. Et c’est ainsi que, depuis une année, je passe ma vie, me donnant à moi-même cette illusion suprême d’être le khalifat, pour tâcher de chasser de mon esprit le chagrin qui l’a habité à partir du jour où mon épouse m’a fait châtier si cruellement, pour satisfaire la rivalité que Sett Zobéida et elle-même nour-