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histoire d’ibn al-mansour
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ment et à longs traits en jetant à la dérobée des regards admiratifs à l’adolescente principale, et des regards notoirement reconnaissants à toutes les deux. Au bout d’un certain temps de ce manège, je rendis la tasse à la jeune fille qui m’offrit alors la serviette de soie en m’invitant à m’essuyer la bouche. Je m’essuyai la bouche, je lui rendis la serviette qui était délicieusement parfumée au sandal, et je ne bougeai pas de ma place.

Lorsque la belle adolescente vit mon immobilité dépasser les limites permises, elle me dit d’un ton gêné : « Ô cheikh, qu’attends-tu encore pour t’en retourner en ta voie sur le chemin d’Allah ? » Je répondis d’un air songeur : « Ô ma maîtresse, j’ai des pensées qui me préoccupent l’esprit extrêmement, et tu me vois plongé dans des réflexions que je ne puis arriver à résoudre par moi-même ! » Elle me demanda : « Et quelles sont ces réflexions ? » Je dis : « Ô ma maîtresse, je réfléchis au revers des choses et à la marche des événements qui sont les fruits du temps ! » Elle me répondit : « Certes, ce sont là de graves pensées, et nous avons tous à déplorer quelque méfait du temps ! Mais toi, ô cheikh, qu’est-ce qui a pu t’inspirer de pareilles réflexions à la porte de notre maison ? » Je dis : « Justement, ô ma maîtresse, je pensais au maître de cette maison ! Je me le rappelle bien maintenant ! Il m’avait dit autrefois demeurer dans cette ruelle composée d’une seule maison avec jardin. Oui, par Allah ! le propriétaire de cette maison était mon meilleur ami ! » Elle me demanda : « Alors tu dois bien te rappeler le nom de ton ami ? » Je dis : « Certes, ô ma maîtresse ! Il s’ap-