Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 7, trad Mardrus, 1901.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
les mille nuits et une nuit

tions ; puis j’ajoutai : « Je suis heureux d’avoir été pour quelque chose dans votre réunion. Mais, par Allah ! émir Jobaïr, si tu tiens à me donner une preuve de ton bon vouloir à mon égard, explique-moi ce qui a pu autrefois t’irriter à ce point et te pousser à te séparer, pour ton malheur, de ton amoureuse Sett Badr. Elle m’a bien expliqué elle-même la scène où la petite esclave, après lui avoir peigné et tressé les cheveux, l’avait embrassée et câlinée ! Mais, émir Jobaïr, il est inadmissible, il me semble, que cela seul ait pu causer ton ressentiment, si par ailleurs tu n’avais eu une autre cause de courroux ou d’autres preuves et soupçons ! »

L’émir Jobaïr, à ces paroles, sourit et me dit : « Ibn Al-Mansour, ta sagacité est excessivement merveilleuse. Maintenant que la favorite de Sett Badr est morte, ma rancune est éteinte. Je puis donc te dire sans mystère l’origine de notre mésintelligence. Elle provient simplement d’une plaisanterie que me rapporta, comme ayant été dite par elles deux, un batelier qui les avait prises dans sa barque un jour qu’elles faisaient une promenade sur l’eau. Il me dit : « Seigneur, comment prends-tu sur toi-même de voir une femme qui se moque de toi avec une favorite qu’elle aime. Sache, en effet, que dans ma barque elles étaient appuyées avec nonchalance l’une sur l’autre, et chantaient des choses bien inquiétantes sur l’amour des hommes. Et elles finirent leurs chants sur ces vers :

» Le feu est moins brûlant que mes entrailles ; mais si je m’approche de mon maître, l’incendie