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histoire de dalila-la-rouée…
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moi ! » Et pendant que l’ânier entrait dans la boutique, la vieille en sortait et s’arrêtait sur le seuil.

Donc, une fois que l’ânier fut entré, le barbier le prit par la main et le conduisit dans son arrière-boutique, où soudain il lui appliqua un coup de poing dans le ventre en lui allongeant un croc-en jambe, et le fit ainsi tomber à la renverse sur le sol où les deux aides le garrottèrent solidement des pieds et des mains et l’empêchèrent de faire le moindre mouvement. Alors le maître barbier se leva et commença par lui enfoncer dans le gosier deux tenailles semblables à celles du forgeron, et dont il se servait pour dompter les dents récalcitrantes ; puis d’un tour de bras il lui extirpa les deux molaires à la fois. Après quoi, malgré ses hurlements et ses contorsions, il prit avec une pince, Fun après l’autre, les deux clous rougis, et lui en cautérisa largement les tempes en invoquant le nom d’Allah pour la réussite.

Lorsque le barbier eut terminé ces deux opérations, il dit à l’ânier : « Ouallahi ! ta mère sera contente de moi ! Je vais l’appeler pour qu’elle constate l’efficacité de mon travail et ta guérison ? » Et pendant que l’ânier se débattait sous la poigne des aides, le barbier rentra dans sa boutique et là… ! sa boutique était vide, nettoyée comme par un coup de vent ! Plus rien ! Rasoirs, glaces à main en nacre, ciseaux, cuirs à repasser, cuvettes, aiguières, serviettes, escabeaux, tout avait disparu ! Plus rien ! Pas même l’ombre de tout cela ! Et la vieille aussi avait disparu ! Rien ! Pas même l’odeur de la vieille ! Et, en outre, la boutique était fraîchement balayée et arrosée comme si elle venait d’être nouvellement louée à l’instant.