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les mille nuits et une nuit

sais pauvre, et je n’ai point voulu te priver de ton âne. Je te l’ai laissé chez le barbier moghrabin Hagg-Mass’oud, dont la boutique est là, juste en face ! Je vais de suite le trouver et le prier de me remettre l’âne. Attends-moi un instant ! » Et elle le précéda chez le barbier Hagg-Mass’oud. Elle entra en pleurant, lui baisa la main, et dit : « Hélas sur moi ! » Il lui demanda : « Qu’as-tu, bonne tante ? » Elle répondit : « Ne vois-tu pas mon fils qui est là debout en face de ta boutique ? Il était, de sa profession, un ânier conducteur d’ânes. Mais il est tombé malade un jour, et il fut éventé quant à son corps par un coup d’air qui lui a corrompu et fait tourner le sang ; et cela lui a fait perdre la raison et l’a rendu fou ! Depuis, il ne cesse de demander son âne. S’il se lève, il crie : « Mon âne ! » ; s’il se couche, il crie : « Mon âne ! » ; s’il marche, il crie : « Mon âne ! » Alors un médecin d’entre les médecins, m’a dit : « Ton fils a sa raison disloquée et dans un grand dérangement. Et rien ne le saurait guérir et remettre dans ses gonds que l’arrachement de ses deux grosses molaires du fond, et une bonne cautérisation sur les tempes avec des mouches cantharides ou un fer chaud ! Voici donc un dinar pour ta peine, et appelle-le et dis-lui : « Ton âne se trouve chez moi. Viens ! »

À ces paroles, le barbier répondit : « Que je reste une année sans manger, si je ne lui remets pas son âne entre les mains, ma tante ! » Là-dessus, comme il avait à son service deux aides barbiers, habitués à tous les travaux du métier, il dit à l’un d’eux : « Va faire chauffer au rouge deux clous ! » Puis il cria à l’ânier : « Eh ! mon fils, viens ici ! Ton âne est chez