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histoire de dalila-la-rouée…
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poteau ? » Elle répondit : « Sache, ô cheikh arabe, ô très honorable, que j’ai comme ennemi un pâtissier marchand de beignets farcis à la crème et au miel, qui est certainement le plus réputé à Baghdad pour la confection à point, dans la friture, de ces beignets. Or moi, l’autre jour, pour me venger d’une injure qu’il m’avait faite, je me suis approchée de sa devanture et j’ai craché sur ses beignets. Alors le pâtissier alla porter plainte contre moi au wali qui m’a condamnée à être attachée à ce poteau et à y demeurer si je ne puis manger, en une seule séance, dix plateaux entiers remplis de beignets. Et c’est demain matin que l’on doit me présenter les dix plateaux de beignets. Or moi, par Allah ! ô cheikh des Arabes, j’ai une âme qui a toujours eu du dégoût pour toutes les douceurs, et qui surtout n’accepte pas les beignets farcis de crème et de miel. Hélas sur moi ! Je vais donc me laisser ici mourir de faim ! » À ces paroles, le Bédouin s’écria : « Par l’honneur des Arabes ! moi je ne suis venu de ma tribu et je ne vais à Baghdad que pour satisfaire mon désir sur les beignets ! Si tu veux, ma bonne tante, je mangerai les plateaux à ta place ! » Elle répondit : « On ne te le laissera pas faire, à moins que tu ne sois attaché à ma place à ce poteau ! Et justement, comme j’ai toujours eu la figure voilée, nul ne m’a vue et ne saurait deviner le changement ! Tu n’as, pour cela, qu’à changer d’habits avec moi, après m’avoir détachée ! » Le Bédouin, qui ne demandait que cela, se hâta de la détacher et, après avoir changé d’habits avec elle, se fit attacher au poteau à sa place, tandis qu’elle-même, revêtue du burnous du Bédouin et la tête ceinte de ses cordeliè-