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histoire de dalila-la-rouée…
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ordre les pots de boissons, les coupes et les mets qu’elle avait achetés, et, ce travail achevé, elle alla se poster à la porte du cabaret.

Il n’y avait pas longtemps qu’elle était là quand elle vit poindre dix des archers d’Ahmad-la-Teigne, avec, à leur tête, Dos-de-Chameau qui avait un air bien farouche. Et il se dirigea précisément vers la boutique, avec les neuf autres, et vit à son tour la belle adolescente qui avait pris soin de relever, comme par inadvertance, le léger voile de mousseline qui lui couvrait le visage. Et Dos-de-Chameau fut ébloui à la fois et charmé de sa jeune beauté si avenante, et lui demanda : « Que fais-tu là, ô jouvencelle ? » Elle répondit, en lui coulant de côté un regard langoureux : « Rien ! J’attends ma destinée ! Serais-tu le capitaine Ahmad ? » Il dit : « Non, par Allah ! Mais je puis le remplacer s’il s’agit d’un service que tu lui demandes, car je suis le chef de ses archers, Ayoub Dos-de-Chameau, ton esclave, ô œil de gazelle ! » Elle lui sourit encore et lui dit : « Par Allah ! ô chef archer, si la politesse et les bonnes manières voulaient élire un domicile sûr, elles choisiraient les quarante vôtres pour guides ! Entrez donc ici, et soyez les bienvenus ! L’accueil amical que vous trouverez chez moi n’est qu’un hommage dû aux hôtes charmants ! » Et elle les introduisit dans la salle apprêtée et, les ayant invités à s’asseoir autour des grands plateaux des boissons, leur offrit à boire du vin mélangé au soporifique bang. Aussi, dès les premières coupes vidées, les dix tombèrent sur le dos comme des éléphants ivres ou des buffles pris de vertige, et ils s’enfoncèrent dans un profond sommeil.