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histoire de jouder le pêcheur…
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torturait. Or le cœur de la mère est compatissant et pitoyable ! Et leur mère, émue de leur misère, leur donnait les galettes qui restaient et qui souvent étaient déjà toutes moisies ; et elle leur servait également les restes du repas de la veille, en leur disant : « Mangez vite et partez avant que votre frère revienne ; car de vous voir ici il ne serait point content et son cœur durcirait contre moi ; et de la sorte vous me compromettriez vis-à-vis de lui ! » Et eux se hâtaient de manger et de s’en aller. Mais, un jour d’entre les jours, ils entrèrent chez leur mère qui, selon son habitude, mit devant eux des mets et du pain pour qu’ils mangeassent ; et soudain Jouder fit son entrée. Et la mère fut très honteuse et bien confuse ; et, dans sa peur qu’il se fâchât contre elle, elle baissa la tête vers la terre, avec des regards bien humbles du côté de son fils. Mais Jouder, loin de se montrer contrarié, sourit au visage de ses frères, et leur dit : « Soyez les bienvenus, ô mes frères ! Et bénie soit votre journée ! Qu’est-il donc arrivé pour que vous vous soyez enfin décidés à venir nous voir en ce jour de bénédiction ? » Et il se jeta à leur cou, et les embrassa avec effusion, en leur disant : « En vérité, que c’est mal à vous de m’avoir fait ainsi languir de la tristesse de ne plus vous voir ! Vous n’êtes plus venus chez moi pour avoir de mes nouvelles et des nouvelles de votre mère ! » Ils répondirent : « Par Allah ! ô notre frère, le désir de te voir nous a fait également bien languir ; et nous n’avons été retenus loin de toi que par la honte de ce qui s’était passé entre nous et toi ! Mais nous voici repentants à l’extrême ! Et d’ailleurs