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histoire de jouder le pêcheur…
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rière le dos ; et fais vite, car je suis très pressé, et le temps presse ! D’ailleurs je suis bien au courant du métier ; et tu peux avoir confiance en mon habileté de noyeur ! » Alors le Moghrabin livra ses bras. Jouder les lui attacha derrière le dos ; puis il le souleva et le lança dans le lac, où il le vit plonger et disparaître. Et, avant de s’en aller avec la mule, il attendit que les pieds du Moghrabin fussent sortis de l’eau ; mais, à sa surprise extrême, ce furent les deux mains qui trouèrent l’eau, suivies de la tête et du Moghrabin entier qui lui cria : « Je ne sais point nager ! Hâte-toi de m’attraper avec ton filet, ô pauvre ! » Et Jouder jeta sur lui le filet, et réussit à le ramener sur le rivage. Alors il vit dans ses mains, chose qu’il n’avait pas d’abord remarquée, deux poissons de couleur rouge comme le corail, un poisson dans chaque main. Et le Moghrabin se hâta d’aller à sa mule, prit les deux bocaux de verre, mit un poisson dans chaque bocal, referma les couvercles, et replaça les bocaux dans la besace. Après quoi il revint vers Jouder et, le prenant dans ses bras, se mit à l’embrasser avec une grande effusion sur la joue droite et sur la joue gauche ; et il lui dit : « Par Allah ! sans toi je ne serais plus vivant, et je n’aurais pas pu attraper ces deux poissons-là ! »

Tout cela !

Or Jouder, qui ne remuait plus dans sa surprise, finit par lui dire : « Par Allah ! ô mon maître le pèlerin, si tu crois vraiment que je suis pour quelque chose dans ta délivrance et la capture de ces poissons-là, hâte-toi, pour toute gratitude, de me raconter ce que tu sais au sujet des deux Moghrabins noyés, et