tourna dans la direction de la Mecque, prononça l’acte de foi, et se prépara à la mort. Toutefois il se souvint à ce moment précis avoir lu autrefois dans les livres anciens que le lion était sensible à la douceur des paroles, qu’il trouvait son plaisir dans les flatteries, et se laissait de cette façon facilement apprivoiser. Il se mit donc à lui dire : « Ô lion des forêts, ô lion des plaines, ô lion intrépide, ô chef redouté des braves, ô sultan des animaux, tu vois devant ta grandeur un pauvre amoureux anéanti par la séparation, à la tête affolée, que la passion a réduit à toute extrémité. Écoute mes paroles, et aie pitié de ma perplexité et de ma douleur ! »
Lorsque le lion eut entendu ce discours, il recula de quelques pas, s’assit sur son derrière, leva la tête vers Délice-du-Monde, et se mit à jouer avec sa queue et ses pattes de devant. En voyant ces divers mouvements du lion, Délice-du-Monde récita ces vers :
« Ô lion du désert, vas-tu me tuer avant que j’aie retrouvé celui qui m’a lié le cœur ?
« Je ne suis point un gibier de prix, oh ! non ! ni même gras, car mon corps est consumé par la perte de l’ami, et mon cœur dévasté !
« Que feras-tu d’un mort à qui ne manque que le linceul ?
« Ô lion tumultueux de la mêlée,
« Si tu me maltraites tu fais la joie de mes envieux !
« Je ne suis qu’un pauvre amoureux noyé dans les larmes,
« Au cœur brisé par l’absence de l’ami !