Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 8, trad Mardrus, 1901.djvu/29

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rose-dans-le-calice et délice-du-monde
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repos. Or, justement il était arrivé au bord d’un ruisseau qu’un arbre ombrageait, et où il s’assit et prit de l’eau dans le creux de ses mains pour boire. Mais, en portant cette eau à ses lèvres, il ne lui trouva aucun goût ; en même temps il sentit que sa figure était altérée et son teint bien jaune ; et il vit ses pieds enflés par la marche et la fatigue.. Alors il se mit à pleurer abondamment, et, les larmes ruisselant sur ses joues, il se récita ces vers :

L’amoureux s’enivre de l’amour de son ami, et son ivresse augmente de l’intensité de ses désirs.

Il erre avec la folie de son amour, exalté et frénétique ; il ne trouve nulle part d’asile ; il ne trouve aucun goût à la nourriture.

Comment l’amoureux peut-il trouver de la joie à vivre loin de son ami ? Ah ! cela serait prodigieux !

Je suis en fusion depuis que m’habite l’amour ; et des pleurs en torrents lavent mes joues.

Ô ! quand verrai-je l’ami, ou quelqu’un de sa tribu qui mette un peu de calme dans ce cœur torturé ?

Lorsqu’il eut récité ces vers, Délice-du-Monde pleura jusqu’à ce qu’il eût mouillé la terre ; puis il se leva et s’éloigna de ces lieux. Pendant que, désolé, il cheminait de la sorte dans les plaines et les déserts, il vit soudain devant lui un lion à la vaste crinière, au cou redoutable, à la tête énorme comme un dôme, à la gueule plus large qu’une porte et aux dents pareilles aux défenses de l’éléphant. À cette vue, il ne douta pas un instant de sa perte ; il se