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histoire de jouder le pêcheur…
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nous te le livrerons. Et tu en feras ce que tu voudras ! » Le roi dit : « Qu’on l’invite ! » Et le grand-vizir donna à un émir appelé l’émir Othman l’ordre d’aller chercher Jouder et de l’inviter en lui disant ; « Le roi désire te voir chez lui au nombre de ses hôtes aujourd’hui ! » Et le roi lui-même ajouta : « Et surtout ne reviens pas sans lui ! »

Or, cet émir Othman était un homme sot, orgueilleux et infatué de lui-même. En arrivant devant la porte du palais il aperçut un eunuque assis au seuil sur une belle chaise de bambou. Et il s’avança vers lui ; mais l’eunuque ne se leva point pour lui et ne se dérangea point, tout comme s’il ne le voyait pas. Et pourtant l’émir Othman était bien visible, et avait avec lui cinquante hommes bien visibles ! Il s’approcha tout de même et lui demanda : « Ô esclave, où est ton maître ? » Il répondit : « Dans le palais ! » sans même tourner la tête, et sans se départir de son air indifférent et de sa posture nonchalante. Alors l’émir Othman fut bien courroucé et lui cria : « Ô calamiteux eunuque de poix ! N’as-tu pas honte de rester, pendant que je te parle, étendu là dans une pose nonchalante comme un crapuleux garçon ? » L’eunuque répondit : « Va-t’en ! Et ne dis pas un mot de plus ! » À ces paroles, l’émir Othman fut à la limite de l’indignation et, brandissant sa masse d’armes, voulut en frapper l’eunuque. Or, il ne savait pas que cet eunuque n’était autre que l’éfrit du sceau, Tonnerre-Tonitruant, qui avait été chargé par Jouder de remplir l’office de portier du palais. Aussi quand le prétendu eunuque eut vu le mouvement de l’émir Othman, il se leva en le regardant avec un œil seu-