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les mille nuits et une nuit

aller vers les souvenirs. Et cela réveilla en elle les ardeurs passées, les désirs cuisants et les transports, et lui fit verser des larmes de regret en même temps que cela lui reportait à la mémoire ces vers qu’elle récita :

« Vers qui jetterai-je la plainte de l’amour qui tient mon âme, des angoisses que l’éloignement de l’ami me cause et du feu qui brûle sous mes côtes ? Mais je me tairai par crainte de mon gardien.

« Je suis devenue plus chétive de corps que le bois d’un cure-dent, consumée que je suis par les ardeurs, les tristesses de l’absence et les lamentations.

« Où sont les yeux de l’ami pour qu’ils voient le triste état d’égarement où m’a réduit son souvenir ?

« Ils ont outrepassé leurs droits en me transportant dans un endroit où ne peut venir mon bien-aimé !

« Je charge le soleil de porter mes saluts par milliers, dans les soirs et les matins, à l’amant dont la beauté couvre de honte la pleine lune à son lever, et dont la souplesse de taille surpasse celle du jeune rameau !

« Si les roses veulent imiter sa joue, je dirai aux roses : « Vous ne sauriez, ô roses, ressembler à sa joue, si vous n’êtes pas les roses de l’autre joue ! »

« Sa bouche distille une salive qui rafraîchirait le feu d’un brasier flambant.

« Comment l’oublier alors qu’il est mon cœur, mon âme, ma souffrance, mon mal, mon médecin et mon bien-aimé ? »

Mais lorsque s’avança la nuit avec ses ténèbres,