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entremêlées sans cesse aux autres constituent un gaspillage de l’activité intellectuelle comme elles constituent un gaspillage de l’activité motrice. À force de multiplier les associations inutiles dans leurs mouvements, certains exécutants se rendent incapables d’entendre les sons qu’ils produisent, et pour peu qu’ils accumulent les heures de travail, ils finissent par sentir aussi peu les mouvements qu’ils font.

L’influence exercée par les mouvements de l’exécution sur l’ouïe n’a jamais été analysée ; toutefois chacun peut à un degré quelconque la constater, s’il compare la différence d’audition qu’il éprouve en entendant jouer une œuvre qu’il a travaillée ou une œuvre lui étant familière ou non mais qu’il n’a pas travaillée. Dans ce dernier cas l’audition favorable ou défavorable est relativement simple : dans le premier cas, l’auditeur écoute par comparaison parce qu’il entend en quelque sorte deux œuvres et deux exécutions. L’audition mentale peut parfois prendre chez l’artiste qui entend une exécution défectueuse, une acuité si grande qu’elle semble annihiler les sons entendus réellement.

Lorsque nous envisageons le développement normal de l’ouïe par rapport à l’harmonie musicale, nous concevons que cette harmonie nous impressionne sans que nous puissions définir par quelles influences elle agit sur nous. Mais si nous songeons qu’il faut vraiment dans l’exécution arriver aux distinctions les plus subtiles pour évoquer la beauté du langage musical, nous pouvons, par la maladresse de nos mouvements et l’incapacité de