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rent si bien quelques-unes de mes journées, qu’elles disparurent presque sans que je m’en aperçusse. Heureux si je n’eusse eu à me prêter qu’à de si dignes fonctions ! tout mon sang, ce n’aurait pas été trop pour payer ce bonheur : mais les consolations des ministres de Jésus-Christ ne sont pas durables ici-bas, parce que les succès des travaux entrepris pour la gloire de leur maître ne le sont pas. Trop d’ennemis conspirent, à les traverser, pour ne pas jouir enfin du triste triomphe d’y réussir.

Tandis que plusieurs de mes Abnakis ménageaient en chrétiens leur réconciliation et leur grâce auprès du Seigneur, d’autres cherchaient en téméraires à irriter sa colère et à provoquer ses vengeances. La boisson est la passion favorite, le faible universel de toutes les nations sauvages, et par malheur il n’est que trop de mains avides qui la leur versent, en dépit des lois divines et humaines. Il n’est pas douteux que la présence du missionnaire, par le crédit qu’il tient de son caractère, n’obvie à bien des désordres. Par les raisons que j’ai déduites plus haut, je m’étais un peu éloigné de mes gens ; j’en étais séparé par un petit bois. Je ne pouvais m’aviser de le franchir de nuit pour aller observer si le bon ordre régnait dans leur camp, sans m’exposer à quelque sinistre aventure, non-seulement de la part des Iroquois attachés au parti anglais, lesquels, à la porte même du camp, avaient enlevé, quelques jours auparavant, la cheve-