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lure à un de nos grenadiers, mais encore de la part de nos idolâtres, sur lesquels l’expérience m’avait appris qu’on ne pouvait faire de fonds. Quelques jeunes Abnakis, joints à des sauvages de différentes nations, profitèrent de mon absence et des ténèbres de la nuit pour aller à la faveur du sommeil général, dérober à la sourdine de la boisson dans les tentes françaises. Une fois nantis de leur précieux trésor, ils se hâtèrent d’en faire usage, et bientôt les têtes furent dérangées. L’ivressse sauvage est rarement tranquille, presque toujours bruyante. Celle-ci éclata d’abord par des chansons, par des danses, par du bruit, en un mot, et finit par des coups. À la pointe du jour elle était dans le fort de ses extravagances ; ce fut la première nouvelle dont je fus servi à mon réveil. J’accourus promptement à l’endroit d’où partait le tumulte. Tout y était dans l’alarme et dans l’agitation. C’était l’ouvrage des ivrognes. Tout rentra bientôt dans l’ordre par la docilité de mes gens. Je les pris sans façon par la main l’un après l’autre. Je les conduisis sans résistance dans leur tente, où je leur ordonnai de reposer.

Le scandale paraissait apaisé, lorsqu’un Horaïgan, naturalisé Abnakis, et adopté par la nation, renouvela la scène sur un ton un peu plus sérieux ; après s’être pris de parole avec un Iroquois, son compagnon de débauche, ils en vinrent aux mains. Le premier, beaucoup plus vigoureux, après avoir terrassé son adversaire, fesait pleuvoir sur lui une