Page:Le massacre au Fort George - La mémoire de Montcalm vengée - 1864.djvu/60

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même : colliers de porcelaine, bracelets d’argent, pendans d’oreilles et de nez, habits magnifiques ; tout lui avait été prodigué ; on avait emprunté le secours du fard et du vermillon pour faire disparaître, sous ces couleurs éclatantes, la pâleur de la mort, et pour donner à son visage un air de vie qu’il n’avait pas. On n’avait oublié aucune des décorations d’un militaire sauvage : un hausse-col, lié avec un ruban de feu, pendait négligemment sur sa poitrine ; le fusil appuyé sur son bras, le casse-tête à la ceinture, le calumet à la bouche, la lance à la main, la chaudière remplie à ses côtés. Sous cette attitude guerrière et animée on l’avait assis sur une éminence revêtue de gazon, qui lui servait de lit de parade. Les sauvages rangés en cercle autour de ce cadavre, gardèrent pendant quelques momens un silence sombre, qui n’imitait pas mal la douleur. L’Orateur le rompit en prononçant l’oraison funèbre du mort ; ensuite succédèrent les chants et les danses, accompagnés du son des tambours de basque, entourés de grelots. Dans tout cela éclatait je ne sais quoi de lugubre qui répondait assez à une triste cérémonie. Enfin, le convoi funèbre fut terminé par l’inhumation du mort, auprès duquel on eut bien soin d’enterrer une bonne provision de vivres, de crainte sans doute que, par le défaut de nourriture, il ne mourût une seconde fois. Ce n’est point en témoin oculaire que je parle ; la présence d’un missionnaire ne cadrerait guère avec ces